Variations d'une trendsetteuse parisienne qui parle de la mode, des tendances, de l'actu, de ce qui fera ou ne fera pas les tendances de demain
Escapade à la parapharmacie sur le coup de 17h, l'heure de pointe des femmes qui sortent tôt du bureau. Ca ne loupe pas, et les rayons de crèmes aminicssantes et autres diurétiques, "anti-cellulite" et produits miracles sont bondés. On se croirait presque dans le métro, la guerre à la place assise étant ici remplacée par la guerre aux gélules dernière génération. Sur le moment, je me laisserais volontiers tenter par une poudre magique à mettre dans ma bouteille d'eau, mais en y réfléchissant bien...
Avec une moyenne de 40 euros par mois, soit plus d'un euro par jour, on nous promet monts et merveilles, et que celle qui n'a jamais succombé à l'attrait d'une promesse de kilos en moins me jette la première pierre. Je me suis lancée, à des périodes différentes, dans tout ce qui se compte de régimes miracles et produits stars. Des premières crèmes amincissantes il y a... pfiou... je ne veux même pas le savoir, aux dernières-nées des laboratoires en vogue, en passant par les diètes protéinées et les gélules à prendre en début, milieu ou fin de repas, je pense pouvoir honnêtement dire que j'ai à peu près tout testé.
Et c'est là que l'absurdité de mon comportement me saute aux yeux. Combien ces entreprises farfelues m'ont-elles coûté au total, et surtout, pour quel résultat? Sommes-nous toujours insatisfaites, à persister dans nos travers, ou bien tous ces produits ne sont-ils donc que des doudous modernes, nous rassurant sur ce qui nous attend, sur notre capacité à contrôler notre corps? Parce que soit ça fonctionne, auquel cas je ne comprends pas qu'on continue à les acheter, soit ils ne servent à rien, et alors pour quelle raison douteuse nous évertuons-nous à dépenser nos deniers pour du vent?
Le poids financier du marché de l'amaigrissement est en augmentation constante, comme si nos kilos envolés l'engraissaient. C'est un nouveau principe des vases communiquants. Le monde occidental échange ses kilos contre du rêve hors de prix. A côté de ça, les émeutes de la faim se poursuivent. Des millions de personnes crèvent de faim dans le monde, 18 000 enfants meurent chaque jour le ventre vide, et nous ne pensons qu'à perdre ces trois kilos superflus qui nous empêchent de rentrer dans un jean à 300 euros. Ironie du sort. Avec 300 euros, combien d'enfants peut-on sauver? Avec le budget annuel "amincissement" d'un ménage, combien de familles pourraient survivre?
Le monde ne tourne décidément plus rond. Nous payons pour ne pas grossir quand d'autres meurent de ne pas avoir le minimum vital. Des millions (milliards) sont dépensés chaque année en cures, massages, crèmes, gélules, tisanes, concoctions, etc. sans parler du développemnt et de la recherche, et nous nous insurgeons devant des images de petits ventres gonflés de vide. Nous surconsommons en affamant des pays producteurs qui n'ont plus de quoi nourrir leurs habitants, nous bouffons la planète en vomissant en cachette, nous culpabilisons d'avoir pris un dessert en dépensant une fortune pour l'éliminer...
Quel serait le poids (réel) rendu à ces gens qui meurent chaque jour et souffrent de malnutrition si au lieu d'essayer de perdre les conséquences de notre consommation abusive nous leur versions le prix de notre culpabilité? Serait-il possible d'échanger nos actes de déculpabilistaion contre la survie d'un enfant du bout du monde ou du bout de la rue? Aurons-nous un jour le courage de consommer intelligemment, sans crainte de manque, et de reverser la différence à ceux qui en ont besoin? Loin de m'inscrire dans un mouvement politique quelconque, je me demande simplement comment on peut sciemment se gaver, payer pour perdre quelques grammes, et laisser mourir ceux qui se contenteraient de nos restes.
La trend-setteuse réagit à retardement sur un article paru dans le Elle, entre les pages beauté et un article sur "Sex & the City", article mettant en lumière les incohérences d'un monde bipolaire. Il ne s'agit plus de pays industrialisés ou en voie de développement, mais bien d'une société globale partagée entre les crève-la-faim et les bien nourris, entre ceux qui tentent de survivre et ceux qui se vautrent dans l'abondance, en le regrettant aussitôt. Et si on diminuait ne serait-ce que d'un pour cent notre consommation de bouffe, si on renonçait à ce produit miracle et qu'on envoyait l'argent à Action contre la faim, notre vie en serait-elle moins belle? En tout cas, elle le serait certainement plus pour quelqu'un...